La rentrée fêtée au sanctuaire Notre-Dame du Laus : "Que contiennent vos cartables ?" demande Mgr Jean-Michel di Falco Léandri aux enfants
Depuis plusieurs années maintenant, à l'initiative de Mgr Jean-Michel di Falco Léandri, la fête de la Nativité de la Vierge Marie est reportée au dimanche au sanctuaire Notre-Dame du Laus afin de permettre à un plus grand nombre de pèlerins et de Haut-Alpins de la célébrer.
Cette année, cette fête de la Vierge du mois de septembre a été l'occasion de prier pour les victimes du 11 Septembre 2001 et pour leurs auteurs. "Pensons aux victimes, mais aussi à leurs bourreaux, sinon notre prière serait sélective", a invité Mgr Jean-Michel di Falco Léandri au début de la célébration.
Cette célébration a aussi été l'occasion de fêter la rentrée scolaire. A la fin de la messe, Mgr Jean-Michel di Falco Léandri a rassemblé les enfants et les enseignants présents pour la bénédiction de leurs cartables physiques et numériques. Et dans l'après-midi, le père Ludovic Frère donnait une conférence sur le thème "Marie, refuge des familles".
Une journée grave en raison du dixième anniversaire des attentats du 11 Septembre, mais aussi recueillie, décontractée, marquée par la joie des enfants.
Ci-dessous, quelques photos de la journée et le texte de l'homélie de Mgr Jean-Michel di Falco Léandri.
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Les enfants dans le choeur à la fin de la messe. | Une partie de l'assemblée. |
Mgr Jean-Michel di Falco Léandri bénit les cartables après avoir demandé aux enfants ce qu'ils contenaient :
– Une trousse... |
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| Procession de Notre-Dame de Grâces vers la chapelle du Précieux Sang |
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A la chapelle | du Précieux Sang |
Homélie
de Mgr Jean-Michel di Falco Léandri
Vous aimez les anniversaires, les enfants. Eh bien aujourd’hui, nous fêtons un anniversaire, celui de la Vierge Marie. Nous fêtons sa naissance, sa venue au monde. Célébrer un anniversaire, c’est célébrer le fait qu’on existe. Chers enfants, imaginez un instant que vos parents oublient de fêter votre anniversaire, comment seriez-vous dans votre cœur ? Comment vous sentiriez-vous ? Vous seriez tout triste, vous auriez l’impression de ne pas compter à leurs yeux, de ne pas exister. Oui, célébrer un anniversaire, c’est célébrer le fait qu’on existe, qu’on est une personne, qu’on a reçu le don de la vie, que Dieu nous a appelés du néant à la vie. Et nous en sommes heureux. Et nous nous réjouissons de cette vie reçue de lui et de nos parents, co-créateurs, coopérateurs à l’œuvre créatrice de Dieu.
Parmi toutes les lettres reçues ces derniers temps, j’en ai reçue une d’une dame, heureuse du dernier CD, mais avec un bémol. Elle reprochait d’avoir gardé dans la chanson l’Indifférence de Gilbert Bécaud ce passage : « Vous vous aimez et vous avez / Un lit qui danse. » Eh bien désolé pour cette dame, mais je ne retire rien. J’assume pleinement. Et j’espère pour elle que ses propres parents se sont de fait aimés, et qu’elle est le fruit d’un lit qui dansait.
Eh oui, car c’est bien de cette manière là que vous, parents, êtes coopérateurs de l’œuvre créatrice de Dieu. J’en profite pour rappeler que Dieu est créateur de deux manières. Tout d’abord en étant à l’origine de toute chose. Sans lui elles ne seraient pas. Mais aussi en les soutenant dans l’être. Sans lui elles retourneraient au néant.
Aussi, chers parents, vous qui êtes homme et femme à l’image de Dieu, votre coopération à l’œuvre de Dieu ne consiste pas seulement à donner la vie, mais à accompagner dans la vie, à durer auprès de vos enfants. On ne connaît que trop les dégâts causés par des parents n’exerçant pas leur autorité parentale, et combien il est important alors qu’il puisse y avoir un père ou une mère de substitution auprès de ces enfants, d’autres rocs sur lesquels ils puissent s’appuyer, qui puissent leur servir de repère dans la vie.
Un des apprentissages fondamentaux est celui de la joie. Je ne sais pas pour vous, mais j’aime quant à moi voir la Vierge Marie comme une personne pleine de joie. Car comme le disait Paul VI, « Elle a saisi, mieux que toutes les autres créatures, que Dieu fait des merveilles: […] Non point que le déroulement apparent de sa vie sorte de la trame ordinaire, mais elle médite les moindres signes de Dieu, les repassant dans son cœur. Non point que les souffrances lui soient épargnées […] Mais elle est aussi ouverte sans mesure à la joie de la Résurrection; elle est aussi élevée, corps et âme, dans la gloire du ciel. » [Gaudete in Domino, 1975]
Oui, Marie est profondément joyeuse jusque dans les épreuves, car en communion constante avec Dieu. Elle reçoit le don de la vie à chaque moment avec émerveillement et gratitude, consciente du don inestimable qu’est la vie. Elle reste transparente à l’action de Dieu en elle, à l’amour de Dieu tel qu’il s’exprime en toute chose, jusque dans son être de femme. Car Dieu est avant tout le Dieu des vivants. Il n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants. Et c’est par tout ce qui est vie que nous pouvons avoir un aperçu de ce qu’il est.
De toutes les créatures sur terre, seul l’être humain peut prendre conscience du don de la vie. C’est à lui qu’il est donné d’être conscient de ce don. C’est à lui qu’il est donné de prendre soin de la création. Lui seul peut rendre grâce pour le don de la vie, louer et adorer le Créateur. Si le ciel, la terre, les montagnes, louent le créateur, c’est par la voix des hommes qu’ils le louent.
C’est à l’être humain aussi qu’il est donné d’explorer la vie dans toutes ses dimensions, dans toutes ses virtualités, dans toute sa profondeur. Les plantes, les animaux, les étoiles, les êtres humains, ne sont pas là, devant nous, juste comme des objets inertes, sans relation avec nous. Ils prennent forme et sens pour nous selon le regard que nous portons sur eux, par l’amour que nous leur manifestons. Qui peut dire que l’athée, l’agnostique, le cynique, le croyant portent le même regard sur la vie et les êtres ?
Alors quel regard devons-nous porter sur la création, sur nos proches, sur nos vies ? A chaque messe, au moment de la préface, nous le disons : « Vraiment il est juste et bon de te rendre gloire, de t’offrir notre action de grâce, toujours et en tout lieu, à toi Père très saint, Dieu éternel et tout-puissant. » Toujours et en tout lieu nous pouvons rendre grâce. Toujours et en tout lieu nous pouvons louer Dieu. Toujours et en tout lieu. Le croyons-nous ? En sommes-nous convaincus ? Le vivons-nous ?
Savez-vous que c’est possible et que vous pouvez en faire l’expérience ?
Je vais vous proposer un exercice. Il va consister à entrer dans les vues de Dieu sur sa création, à la voir comme il la voit. Et à entrer dans l’action de grâce pour tout. Il va consister à devenir le plus transparent possible à l’action de Dieu en vous, à l’amour de Dieu tel qu’il s’exprime en toute chose, jusque dans votre être-même. Vaste programme me direz-vous. Pas si difficile que cela vous allez voir. Et puis rassurez-vous, comme pour tout apprentissage, on va partir du plus facile pour aller vers le plus difficile. Le Laus est un endroit idéal pour faire cet exercice.
Alors voilà, dans la journée, cherchez un petit coin tranquille. Allongez-vous dans l’herbe ou asseyez-vous. L’important est d’être à votre aise. Laissez-vous aller. Puis rappelez-vous le livre de la Genèse. Dieu qui crée, qui dit, qui nomme, et qui par sa seule parole crée. Regardez ensuite chaque chose en la nommant, avec amour, pour qu’elle soit. Comme si c’était vous qui étiez en train de les créer. Reprenez l’ordre de la création, qui va des choses les plus vastes aux plus petites. Le soleil, le ciel, les nuages, les montagnes. Sentez le vent sur votre visage. Sa fraîcheur. Et puis contemplez les arbres, chacun selon son espèce. Puis, plus difficile, passez à la mouche qui vient vous chatouiller le bras. Dépassez votre agacement. Ne la voyez plus comme une nuisance. Prenez le temps de regarder la nature qui vous entoure ainsi, avec un regard neuf, et vous retrouverez le regard émerveillé de l’enfance sur la création.
Puis fermez les yeux et passez aux êtres humains. Nommez et attardez-vous sur chacun de vos proches. Prenez le temps de les voir comme Dieu les voit. Dieu dans son acte de création. Dieu qui les aime chacun. Dieu qui prend patience avec chacun. Puis beaucoup plus difficile, très difficile même, passez à un ennemi, à quelqu’un qui vous a fait du mal. Vous en souffrez encore. Ne niez pas cette souffrance, ne cherchez pas à travestir ce mal en bien. Mais allez plus loin. Voyez plus loin. Plus profond. Ne focalisez plus sur vous-même, sur le mal qui vous a été fait, mais regardez cet ennemi non plus en tant qu’ennemi mais en tant que personne, d’une égale dignité que vous. Aimez-la comme vous êtes aimé de Dieu. Aimez-la dans sa faiblesse comme Dieu vous aime dans la vôtre. Aimez-la faisant parfois le contraire de ce qu’elle veut, comme vous aussi vous faites le contraire de ce que vous voudriez. Voyez cet homme, cette femme, cet ennemi, comme Dieu voit ses ennemis. Dieu n’est l’auteur que du bien. Dieu est étranger au mal. Il n’a même pas l’idée du mal1. Tout ce qu’il crée est bon. Même le démon, en tant que créature, est bon. Ce qu’il fait est mal, mais ce qu’il est est bon. Car son être, sa nature angélique, il la tient de Dieu. Et Dieu le maintient dans l’être malgré tout le mal qu’il cause de par le monde. Le diable reste son ennemi. Le diable s’est détourné de lui. Nulle amitié entre eux, nulle intimité. Mais cela n’empêche pas Dieu, auteur de la nature et de la vie, d’être présent à lui comme il est présent à toute créature.
Rendre grâce, « toujours et en tout lieu ». Tournez maintenant votre regard sur votre histoire personnelle. Voyez l’œuvre de Dieu en vous depuis votre naissance. Depuis même avant votre naissance. Comme le psalmiste, dites : « Seigneur mon Dieu, tu es mon espérance, / mon appui dès ma jeunesse. / Toi, mon soutien dès avant ma naissance, / tu m’as choisi dès le ventre de ma mère […] Dieu, qui donc est comme toi ? / Tu seras ma louange toujours ! » (Ps 70) Considérez les circonstances de votre vie, les impasses, les traverses. Voyez-les comme menant quelque part. Ne regrettez rien. Acceptez tout. Comme Edith Piaf, vous pouvez chanter, « non, rien de rien, non, je ne regrette rien. » Plus même qu’accepter ces circonstances, choisissez-les. Considérez-les commue voulues par Dieu dans sa sagesse et dans son amour. Considérez que si c’était à recommencer, c’est ce chemin-là que vous auriez pris, que vous auriez souhaité, que vous auriez voulu, pour connaître Dieu et l’aimer, pour connaître des frères et sœurs en humanité et les aimer. On ne peut pas toujours tout comprendre, mais on peut toujours croire, et acquiescer, et vouloir, et rendre grâce. Pensez à un saint comme Maximilien Kolbe. Il s’offrit volontairement à la mort pour sauver un inconnu. Pour tous au camp, le bunker de la faim ne pouvait être qu’un enfer. Mais ils ne voyaient qu’une seule face des choses. Maximilien avec son regard aiguisé voyait l’autre face, si bien que par sa foi, sa paix, sa joie, sa sérénité, il a transformé pour ces frères cet enfer en antichambre pour la vie éternelle.
Oui, vraiment il est juste et bon de te rendre gloire,
de t’offrir notre action de grâce,
toujours et en tout lieu,
à toi Père très saint,
Dieu éternel et tout-puissant.
Amen.
1. cf. Somme théologique de Saint Thomas d'Aquin, Ia, Q. 15, art. 3, 1m, et voir l’ouvrage du père Jean-Miguel Garrigues, op, Dieu sans idée du mal, édition revue et augmentée, 1997, Desclée-Mame.